Les crapules à doubles yeux

Voici ce que pensait le Cyclope en rencontrant Ulysse…

         

          Une soudaine douleur me frappa droit dans  mon unique et précieux œil. Je me levai précipitamment, un peu engourdi à cause de cette boisson suave que celui qui prétendait s’appeler  Personne m’avait offerte. J’arrachai furieusement l’épieu et me couvris l’œil ensanglanté. Je criai le plus fort possible pour appeler mes compagnons et je sentai la terrible brûlure qui sortait de mon œil. 

Mes compagnons arrivèrent et me posèrent plein de questions. Moi, chamboulé je ne les écoutais pas et sans réfléchir je hurlai : “Personne, mes amis, me tue par ruse et non par force !” J’aurais tellement aimé retourner dans le passé et montrer à mes frères l’affreuse fripouille qui m’avait rendu aveugle. J’en étais atrocement irrité, courroucé et emporté rien qu’en y pensant ! Désespéré de la réponse de mes compagnons, je la retournai plusieurs fois dans ma tête pour m’assurer que ce n’était pas une farce. Hélas, non ! Ils avaient bien dit :”Si personne ne te fait violence et que tu es seul, c’est donc une maladie envoyée par le grand Zeus, impossible d’y échapper ! C’est à ton père, le seigneur Poséidon, que tu dois adresser ta prière.” La crapule qui m’avait trompé rit avec sa toute petite bouche pour je ne sais quelle raison. 

Je décidai d’agir. Prenant mon courage à deux mains je me mis à ouvrir la pierre qui bloquait l’entrée de ma grotte. Mes mains douloureuses essayaient d’attraper toutes ces petites fourmis insignifiantes mais en vain. Je les cherchai à taton dans ma demeure. Pendant très longtemps j’attendis devant ma grotte pour qu’aucune fripouille, crapule ou fourmi ne sortent. Impatient je mettais toute ma fureur dans la recherche de l’humain qui m’avait le plus berné. 

Quand j’estimai que le jour était arrivé je fis sortir mes moutons. Toute la nuit je n’avais pas baissé la garde et je me sentais dévasté. Je touchais le dos de mes béliers cherchant des hommes, mais la seule chose que je sentais c’était de la laine moelleuse. Pendant un instant je ne compris pas pourquoi malgré toutes mes précautions et mes recherches dans ma grotte je ne trouvais pas les minuscules hommes aux deux yeux. J’entendis de petit pas précipités à l’extérieur et des chuchotements. Je sentis l’odeur du sel et des hommes crapuleux. La bonne odeur de savon rentra  dans mon nez et leur sandales claquant les quelques rochers me frappèrent les oreilles. En une nuit aveugle, j’avais pu aiguiser mes sens autre que la vue. 

Je déboulai alors de ma caverne. Le clapotis de l’eau était troublé à cause des rames des crapules berneuses qui s’enfuyaient. Le soi-disant Personne me cria d’un ton crispant qui me donnait envie de tout ravager que je devais être puni pour m’être nourri en toute liberté des ces stupides hommes ou quelque chose dans ce genre insensé. Ne voulant plus l’écouter je me munis d’un petit rocher et le jetai de toute ma force. Les paroles qui suivirent je pourrais m’en souvenir dans 100 ans. Sa voix à peine perceptible dans le vent, cria en tremblant : “Cyclope si quelqu’un parmi les mortels t’interroge sur la perte de ton oeil qui te défigure, dis que c’est Ulysse le destructeur de cités qui t’a complètement aveuglé, le fils de Laërte qui habite à Ithaque.” Sous le choc de la déclaration d’Ulysse je criai et suppliai mon père de me protéger, de le poursuivre jusqu’à la mort, qu’il ne rentre plus chez lui. Rentrant chez moi je compris aussitôt dans le plus profond de mon cœur en fureur que Poséidon le vénérable, mon père m’avait entendu. 

cyclope2.jpeg est maintenant affiché.
Voila un petit dessin que j’ai fait pour illustrer l’histoire…

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