Comparaison de deux mises en scène de Tartuffe

Dans cet article, je vais comparer deux mises en scène de la célèbre pièce de théâtre Tartuffe, écrite par Molière en 1664. Cette pièce a déclenché de nombreuses polémiques lors de sa parution. Même si ce n’était pas la première fois qu’une pièce de Molière donnait lieu à un débat et était censurée, ce désaccord est différent. En effet, le sujet de la querelle est religieux car la pièce critique les faux dévots hypocrites et certaines personnes influentes à la cour du Roi se sentaient trop visées. Louis XIV a dû interdire les représentations de Tartuffe en public car elle faisait la critique de ses alliés, les jésuites qui ont une vision particulière du cas de conscience et qui autorisent certaines pratiques, sous prétexte que les « intentions sont bonnes ». Ainsi, ils sont les ennemis des jansénistes qui pratiquent le catholicisme de façon plus austère.

L’une des mises en scène que je vais évoquer date de 1968. Le metteur en scène, Jacques Charon a choisi de placer la pièce dans son contexte du XVIIe siècle avec les costumes et les décors de l’époque. Dans la pièce, Tartuffe est interprété par Robert Hirsh.

L’autre mise en scène est celle de Benoît Lambert qui date de 2014 et qui se passe dans le monde contemporain. Les décors sont simples et graphiques et les costumes sont des habits de notre époque. Tartuffe y est joué par Emmanuel Vérité.

Tartuffe évoque trois thèmes en particulier que les metteurs en scène ont choisi ou non de mettre en valeur dans leur pièce. Ainsi, la critique de la fausse dévotion est montrée dans la mise en scène de Jacques Charon grâce aux mimiques et au ridicule de Tartuffe qui se vente de ses actions et qui est plus insistant dans les scènes où il essaie de séduire Elmire. Dans le cas de l’autre mise en scène, le thème n’est pas très abordé et Tartuffe ne paraît pas vraiment ridicule. Bien sûr l’évocation de l’hypocrisie dans la religion et des jésuites n’aurait pas été judicieuse dans le contexte contemporain de la mise en scène de Benoît Lambert.

Un autre thème de la pièce sont les relations entre Tartuffe et Elmire. Jacques Charon a choisi de rendre les deux scènes de séduction effrayantes grâce au dégoût que nous inspire le personnage de Tartuffe. En effet, il est très insistant et Elmire paraît plus dégoûtée que dans l’autre pièce. De plus, l’autre Tartuffe est moins abominable que dans la mise en scène de Jacques Charon car il n’est ni laid ni ridicule ce qui enlève beaucoup de son intérêt à ses deux scènes-là.

Le troisième thème que Tartuffe évoque sont les différences de classes sociales entre Orgon et Tartuffe. Jacques Charon ne montre pas cet aspect car Tartuffe est habillé comme un religieux et à l’air à sa place dans la maison. Cependant, Benoît Lambert évoque la pauvreté du personnage à plusieurs reprises comme lorsqu’il se retrouve habillé d’un marcel blanc et qu’il fait tourner sa chaîne religieuse avec mépris. Nous le voyons alors comme un voyou qui vivait au dépend d’un bourgeois en le manipulant. C’est un problème qui a sa place dans le contexte contemporain créé par le metteur en scène.

La pièce de Molière permet donc de parler de différents problèmes du XVIIe siècle. Cependant, Jacques Charon et Benoît Lambert ont décidé de ne pas tous les évoquer. Ce choix constitue donc une première différence entre les deux versions de Tartuffe.

Maintenant, nous allons étudier les différences qu’il y a entre les interprétations des personnages dans les deux versions de la pièce. Ainsi, certains sont plus drôles et d’autres moins bien joués dans l’une ou l’autre des mises en scène.

D’abord, Jacques Charon a choisi un excellent acteur pour interpréter le personnage de Tartuffe : Robert Hirsh. C’est sûrement la plus grande qualité de la mise en scène car c’est de lui que vient tout le comique. Certains traits de son caractère dominent : il est ridicule, très hypocrite et repoussant. Son habit religieux ainsi que ses cheveux longs et sa frange accentuent le mépris qu’on peut avoir en le voyant. Ce personnage est très réussi car il est comique lorsqu’il manipule Orgon. Dans la mise en scène de Benoît Lambert, Tartuffe n’est pas très drôle, il ressemble plutôt à un voyou manipulateur.

Cependant, le personnage d’Orgon est bien meilleur dans cette deuxième version de la pièce. Il semble être obsédé par Tartuffe et se couvre de ridicule plusieurs fois en se roulant par terre, en le suppliant de rester chez lui, en pleurant… À d’autres moments de la pièce il a les cheveux en bataille ce qui lui donne un air idiot. Contrairement à Jacques Charon dont le personnage n’a pas d’intérêt particulier, Benoît Lambert a rendu très drôle les scènes où il apparaît. Selon moi, le choix de Benoît Lambert de rendre Orgon bien plus drôle que Tartuffe est un meilleur choix que celui qu’a fait par Jacques Charon.

Un autre personnage est extrêmement amusant dans la deuxième mise en scène, c’est Dorrine. Elle utilise le comique de geste, en mimant certains personnages notamment dans la scène d’exposition. De plus, les scènes dans lesquelles elle se moque de Tartuffe sont plus réussie car elle le méprise ostensiblement. C’est une très grande qualité de la mise en scène et cela contribue à la rendre plus drôle que celle de Jacques Charon.

Les personnages sont interprétés différemment dans les deux mises en scène. Je préfère les choix de Benoît Lambert pour cet aspect car ils rendent sa version de Tartuffe bien plus drôle.

On pourrait comparer aussi d’autres points des mises en scène. En effet, elles ont toutes les deux des défauts mais aussi des qualité qui les différencient.

D’abord, il est important d’évoquer ce que le contexte choisi par les deux metteurs en scène a apporté à leur pièce. Le choix Jacques Charon lui a permis de nous replonger dans le XVIIeme siècle à travers les thématiques du mariage forcé, de la monarchie et des jésuites. C’est une très grande qualité de la mise en scène de Jacques Charon mais c’est aussi le défaut principal de celle de Benoît Lambert. En effet, il a du trouver un stratagème pour adapter certaines scènes comme celle où l’envoyé du roi arrive pour pardonner Orgon et condamner Tartuffe. Il a donc accentué le caractère étrange de la situation en ajoutant de la musique et en illuminant l’envoyé d’un halo de lumière blanche. Les autres personnages se prosternent devant lui et restent dans l’ombre. Benoît Lambert était obligé d’exagérer le caractère étrange de l’arrivée de l’envoyé. Ainsi, nous ne nous attardons pas sur l’incohérence entre le contexte contemporain et la présence du Roi. Cependant, elle reste un défaut de la mise en scène.

Enfin, j’aimerai aborder uen autre qualité importante de l’interprétation de Tartuffe apportée par Benoît Lambert.

En effet, je trouve que l’on comprend mieux l’histoire et qui sont les personnages dans la mise en scène de Benoît Lambert, particulièrement dans la scène d’exposition. Cela est sûrement dû à la façon dont les alexandrins sont dit car ils sont moins prononcés que dans l’autre mise en scène. C’est aussi quelque chose d’important et que j’ai bien apprécié.

Pour conclure, les deux version de Tartuffe que j’ai vues sont très différentes. Je préfère celle de Benoît Lambert car elle est plus drôle que l’autre. En effet, c’est une qualité très importante pour moi dans les pièces de théâtre. Jacques Charon, lui, a choisi d’évoquer des problématiques intéressantes dans sa pièce et de rester fidèle à la version originale. C’est un pari différent qui est très intéressant mais que j’aime moins.

One Reply to “Comparaison de deux mises en scène de Tartuffe”

  1. Mais quelle analyse ma Blanche ! C’est EXCELLENT ! Ta finesse est remarquable.
    Je connais le Charon / Hirsch mais pas le Benoît Lambert : j’adore l’extrait que tu en donnes, hilarant.
    Je comprends qu’en effet il a dû avoir bien du mal avec le roi …. Tu ne penses pas qu’avoir recours au « stratagème » que tu soulignes est tout de même un très gros problème de mise en scène ? Tartuffe, le personnage, est sans aucun doute universel et à bien des égards intemporel. Néanmoins -c’est une vraie, grave, constante question, peut-on tirer à l’infini un siècle dans un autre, si c’est au prix de ruses, et de contorsions sur le texte ?
    Bien que je n’aie pas vu la mise en scène de Benoît Lambert, l’idée de mettre Orgon en lumière est excellente. C’est parfaitement vrai que lui aussi est intemporel. Insister sur la manipulation est une lecture très riche, au siècle de Molière comme au nôtre.
    La (seule ?) pièce de Molière qui s’en sort toujours indemne, à mon avis, c’est Dom Juan (tu l’as lu ou vu ?). Idem pour le Don Giovanni de Mozart -le livret de Da Ponte. (Un jour, je t’emmènerai voir Don Giovanni)

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